dimanche 30 mars 2014

Le temps des tulipes


En attendant la 9e édition du festival des tulipes qui commence le 1er avril, celles-ci n’ont pas attendu l’ouverture officielle pour parer les rives du Bosphore de leurs chatoyantes couleurs.



Tandis qu’en France et en Turquie le contenu des urnes sera révélé ce soir...



samedi 22 mars 2014

Séjour parisien

Au programme du mois de mars - à noter sans humidité excessive mais une bonne dose de pollution - il y a eu bien sûr de nombreuses expéditions dans les squares du quartier au bord des bacs à sable et près des aires de jeux pour tout petits…


… Mais aussi des promenades au jardin des plantes du côté des serres pour quelques photos de l’exposition d’orchidées très fréquentée, une visite du pavillon de paléontologie pour revoir ses défilés de squelettes toujours aussi impressionnants, et un déjeuner au restaurant de la mosquée de Paris










… Un petit tour dans les jardins du Palais Royal pour une balade sous les magnolias et sur le pont des Arts, histoire de vérifier si les milliers de cadenas y sont toujours accrochés



… Quelques déambulations dans les passages des Grands Boulevards qui ont probablement inspiré les architectes de ceux de Beyoğlu à Istanbul et pour la touche bien parisienne un déjeuner au restaurant Bouillon Chartier, ouvert en 1896, et classé monument historique depuis 1989. Authentique décor « Belle époque », ambiance conviviale, garçons efficaces, cuisine traditionnelle et addition légère sur la nappe en papier…







… Pour tester si la capacité d’émerveillement ne s’est pas émoussée, une visite à l’aquarium tropical de la Porte dorée, au sous sol de la bâtisse Art Déco datant de l'Exposition internationale de 1931




Signalons au passage que l’ancien musée des colonies, rebaptisé musée de la France d’Outre-mer en 1935, musée des Arts africains et océaniens en 1960, puis musée national des Arts d’Afrique et d’Océanie de 1990 à 2003, a été entièrement réaménagé depuis le départ des collections vers le Quai Branly inauguré en 2006.

Photo extraite du site du Palais de la Porte Dorée
La nouvelle affectation du monument, concrétise une volonté d’en finir avec l’esprit paternaliste hérité de la période coloniale et ayant une fâcheuse tendance à en reproduire les schémas dévalorisant à propos de l’immigration. Rassembler des témoignages et faire reconnaître son rôle dans la construction de la France sur deux siècles d’histoire sont les objectifs du musée national de l’histoire et des cultures de l’immigration qui a ouvert ses portes en 2007. Ceux qui savent que la diversité est une richesse sauront apprécier la démarche. Il n’est cependant jamais inutile de susciter la réflexion sur le sujet. A défaut d'une visite, le site du palais de la Porte Dorée en donne un aperçu significatif.






lundi 3 mars 2014

La mosquée arabe (Arap camii)

Au pied de la colline de Galata, non loin de la Corne d'Or, en retrait du boulevard Tersane et encastré dans les ruelles, l’édifice de briques rouges et de pierres, très fréquenté par les nombreux artisans du quartier, ne ressemble à aucune autre mosquée d’Istanbul. 



Il ne ressemble pas non plus aux églises byzantines réaffectées après la conquête ottomane - basilique Sainte-Sophie (musée depuis 1931), église des Saints Serge et Bacchus (Küçük Aya Sofya camii), église Theodokos Kyriotissa (Kalenderhane camii), église Saint Théodore (Molla Gürani camii / Vefa camii), églises du monastère du Christ Pantocrator (Molla Zeyrek camii, en restauration), église Saint Sauveur in Chora (musée depuis 1948), église Panaghia Pammakaristos (Fethiye camii et musée dans la chapelle latérale, église Sainte Irène (arsenal ottoman, musée depuis 1869) - et pas davantage aux églises construites après la conquête turque pour les diverses communautés chrétiennes principalement dans le quartier de Beyoğlu (anciennement Galata et Pera).

D’après des sources historiques, Justinien aurait fait édifier au 6e siècle une église dédiée à sainte Irène à cet endroit. D’autres sources plus contestées mentionnent la construction en ce même lieu d’une mescit (petite mosquée sans minaret) lors du siège de Constantinople par les Arabes en 715. La bâtisse actuelle aurait conservé quelques vestiges de l’église mais aucune trace de la petite mosquée, en bois probablement.
Le cénotaphe de Maslama ben Abd al-Malik (mort et enterré à Damas en 738), commandant des armées arabes sous la dynastie Omeyyade, adossé au mur de la bâtisse, est le seul élément qui rappelle que ce personnage a séjourné dans le quartier. Quand a-t-il été ajouté ?


La plaque scellée dans le mur et son inscription en ottoman l’a précédée mais bien des siècles après son passage, probablement au moment de la reconversion en mosquée en 1476, justifiant son exceptionnelle attribution aux Morisques chassés d’Espagne par la reine Isabelle la Catholique et venus se réfugier sous la protection du sultan Mehmet II, alors que les Génois, occupant le quartier depuis presque deux siècles suite à leur alliance avec les Byzantins pour chasser les Latins, avaient signé au conquérant ottoman un acte de reddition garantissant leurs personnes et leurs biens, ainsi que le droit de conserver leurs églises.

L’édifice doit donc son aspect général actuel aux Latins qui se sont approprié ce lieu de culte antérieur après la quatrième croisade (1202-1204). Une église catholique dédiée à Saint Paul fut d’abord réalisée en 1233. Construite pendant la courte durée de l'empire latin d'Orient (1204-1261), elle fut attribuée ensuite aux moines dominicains qui y installèrent leur couvent au tout début du 14e siècle. Les fresques ornant l’église datent de cette époque. L’ajout du campanile aussi.




Comme le bâtiment, il subira quelques transformations au 15e siècle pour adapter les lieux au culte musulman. Surmonté d’un toit conique, il devient minaret. A l’intérieur les images chrétiennes sont cachées aux regards par des enduits successifs, mıhrab et minbar sont construits pour compléter la reconversion.
D’autres aménagements et restaurations suivront au cours des siècles et principalement en 1731 à l’initiative de la sultane Saliha (mère de Mahmut Ier) qui fait transformer les entrées et fenêtres, ajouter une cour, une fontaine d’ablution (Şadırvan) et un bâtiment annexe.







Au début du 20e siècle on retrouvera sous les dalles des sépultures de moines dominicains et de Génois. Lors du séisme de 1999, une partie des enduits tombera faisant apparaître les fresques et mosaïques du 14e siècle. Pendant une décennie, on recouvrira simplement ces vestiges d’un drap et les fidèles continueront à venir prier à l’appel du muezzin.
En 2010 des travaux de restauration sont entrepris en toute discrétion. Ils vont durer 2 ans. Alors que dans son numéro d’avril 2012, le magazine NTV Tarih dénonce l’escamotage en cours de toutes les fresques redécouvertes et met l’accent sur l’importance artistique de ces peintures préfigurant peut être la renaissance italienne, la réouverture de l’édifice en tant que mosquée historique, plaque commémorative à l’appui, se fait quelques mois plus tard en juillet, à grand renfort de discours satisfaits passant sous silence autant l’architecture que ses ornements intérieurs.





Les 4 illustrations ci-dessus sont empruntées au site NTV-Tarih, reproduisant partiellement le reportage de son magazine.

En écho au reportage du magazine quelques articles (Radikal et Haberturk) rapportent les propos des intervenants de la restauration (Engin Akyürek, acteur, mais aussi professeur d'histoire de l'art à l'université d'Istanbul et Haluk Çetinkaya, professeur à l’Université Mimar Sinan) qui déplorent que ces témoignages du passé d’une valeur artistique inestimable soient désormais ensevelis sous des panneaux de contreplaqué recouverts de plâtre sans qu’aucune autre alternative n’ait été retenue.



Panneaux mobiles ou tentures auraient été des compromis envisageables pour que l’édifice ne soit pas soustrait à son affectation au culte musulman qui est le sien depuis plus de 500 ans. Ils auraient permis de laisser admirer occasionnellement ces œuvres uniques, probablement réalisées par des artistes byzantins orthodoxes pour des Latins catholiques dans le contexte particulier d’une période agitée de l’histoire de la chrétienté.     
Dommage que cette empreinte de tolérance n’ait pas inspiré ceux qui ont décidé de la masquer, récrivant l'histoire à leur façon.