mardi 28 juin 2011

Stratonikeia / Eskihisar



Sur la route entre Yatağan et Milas, à 7 km de Muğla, le site présente un curieux méli-mélo architectural. Village fantôme traversé par un chevrier caracolant sur sa monture, les derniers habitants ont été priés récemment d’aller s’installer ailleurs. De coquettes bâtisses témoignent d’une occupation récente des lieux.




Elles côtoient de monumentaux vestiges gréco romains dont elles ont emprunté ça et là quelques pierres, quelques fragments de colonne ou de frise…




Les ruines d’un hammam datant du 14e siècle signale la présence du beylicat des Menteşeoğluları (comme à Beçin)

Bien que des traces d’occupations antérieures remontant jusqu'à l’âge de bronze (3e millénaire) aient été retrouvées, on considère que la cité fut fondée au 3e siècle av. JC par Antiochos Ier Soter, fils de Séleucos (fondateur de la dynastie Séleucide), et lointain ancêtre d’un autre Antiochos qui laissa à la postérité les gigantesques statues du Nemrut dağ. On nomma la cité "Stratonikeia" en l’honneur de l’épouse d’Antiochos, auparavant celle de son père, Séleukos… Une histoire d’amour qui inspirera peintres et musiciens du 19e siècle…






Un bouleutérion, un théâtre, un gymnase, la porte monumentale et une partie de la voie sacrée qui menait vers le sanctuaire de Lagina, en sont les plus remarquables vestiges.

Les aléas de la géologie ont fait que d’importants gisements de lignite se trouvent dans la région, et qu’elle fût sinistrée par l’extraction, le transport sur tapis roulants sur des kilomètres et l’utilisation du minerai dans la centrale thermique de Yatağan dont la construction a débuté en 1977.

Bien que fournissant une importante source d’énergie, la centrale vieillissante et la pollution qu’elle génère, inquiètent de plus en plus. Des actions sont menées pour sa fermeture ou sa remise aux normes, mais le paysage n’en est pas moins marqué et des vestiges antiques ont disparus à jamais, notamment des tombeaux qui bordaient la voie sacrée de 11 km reliant Stratonikeia, cité administrative et Lagina, grand centre religieux de Carie dédié à Hécate, mystérieuse déesse du panthéon grec.


Nous n’aurons pas le loisir d’aller jusqu'au sanctuaire de Lagina qui recèle encore, parait-il, des ruines significatives. Le ciel, menaçant depuis un moment, vient d’ouvrir les vannes d’un déluge.









lundi 27 juin 2011

Dans les ruelles de Muğla

Muğla est un peu éloignée de la côte égéenne, à une centaine de km de Bodrum. Malgré son statut de capitale de province, elle est oubliée de la plupart des guides touristiques. Elle a pourtant bien des attraits.






Maisons traditionnelles aux toitures festonnées de zinc, places ombragées, mosquées, fontaines, petits cafés, échoppes, bazar et hans, ainsi qu’un pittoresque marché du jeudi où l’on trouve des morilles fraiches en saison et toutes sortes d’herbes aromatiques et médicinales.






La lavande papillon (karabaş otu, ou localement karaş otu) qui tapissait la colline de Tyangela est omniprésente sur les étals et on y vante tous ses bienfaits : bonne pour le cœur, la circulation sanguine, efficace contre le cholestérol, le diabète, les maux de tête… Un vrai remède miracle à en croire l’étiquette… mieux vaut quand même prendre un avis médical.



Recommandons plutôt un petit détour vers la boutique de Mr. Tahsin qui fabrique de délicieux helva depuis 1958 et les vend à la coupe.




Le musée de Muğla vaut aussi une visite. Une collection de fossiles d’animaux et de plantes nous apprend que la région était fréquentée il y a quelques millions d'années par les mêmes créatures que celles dont on a retrouvé les traces dans la région de Téruel en Espagne et aujourd’hui disparues.
Dans la section archéologique, des vestiges provenant des sites antiques de Stratonikeia et Lagina sont exposés. D’autres pièces plus imposantes, telles les frises du temple, se trouvent au musée archéologique d’Istanbul.

dimanche 26 juin 2011

Pique-nique sur le Bosphore

Dimanche 19 juin, "La Passerelle" organisait sa traditionnelle rencontre avant les départs de l’été. Un avant goût de vacances pour se dire au revoir dans un cadre dont on ne se lasse pas…





Embarquement à Ortaköy ou à Beylerbeyi pour un "keyif" à ne manquer sous aucun prétexte !


Cette année, c’est sur le "Selamet Kadir" que nous avons partagé un généreux pique-nique. (Le voilier était juste de passage…)




Il y a mille raisons de quitter Istanbul pour aller voir ailleurs d’autres villes, d’autres régions tout aussi dignes du plus vif intérêt, mais à chaque retour, on se laisse envouter par la magie des eaux turquoises et des silhouettes familières… Et en bateau, c’est encore mieux. Se laisser glisser et voir défiler des merveilles est un moment de pur bonheur.








samedi 25 juin 2011

Pedasa, capitale des Lélèges

Si la péninsule de Bodrum se remplit en ce moment de la migration estivale annuelle, d’une foule en quête de généreux soleil et de noctambules appréciant ses folles nuits, elle est aussi le paradis des randonneurs qui devront se lever tôt pour ne pas griller en arpentant les collines. Mais les amateurs d’histoire antique et de préhistoire, ne reculant devant aucun sacrifice, ne regretteront pas l’excursion vers Pedasa. A proximité du village de Gökçeler et surplombant Bodrum, le site est aujourd’hui relativement bien dégagé et l’on peut y accéder en voiture par un chemin stabilisé.




Des fouilles méthodiques ont été entreprises depuis 10 ans, s’appuyant sur les recherches et la synthèse publiée en 1960 par l’archéologue allemand Wolfgang Radt et sur les investigations plus récentes du Prof. Dr. Adnan Diler, Chef du département d'Archéologie de l’ Université de Muğla.

Des vestiges de plusieurs périodes antiques y compris celles des âges obscurs attestent d’une occupation et de l’édification des premières constructions vers la fin du 2e millénaire av. JC. Des traces d’habitations circulaires auraient été retrouvées de Konacık à Torba.

L’étendue du site en fait la plus importante agglomération lélège, d’où le statut de capitale qui lui est attribuée.

Un sanctuaire dédié à la déesse Athéna auquel fait allusion Hérodote a été dégagé en 2008 et on y a trouvé la confirmation du nom de la cité Pedasa.



Quelques panneaux explicatifs facilitent la visite sans toutefois révéler tous les mystères concernant ce peuple lélège, tout au plus quelques affirmations qui devront être prises comme des hypothèses en attente de confirmations.

Il n’empêche qu’ici une urbanisation existait avant que ne s’enclenche le processus d’hellénisation. Ce qu’on appellera l’acropole à partir du 6e siècle était déjà probablement un lieu de rassemblement, et la citadelle construite par les lélèges sur l’éperon rocheux constituait un refuge ultime aux populations lors des attaques.






En contrebas des habitations de type mégaron ont été découvertes ainsi qu’une construction plus importante encore non identifiée avec certitude : bâtiment administratif ou temple ?








Une nécropole a pu être dégagée suite à un incendie de forêt.



D’autres sépultures sont des tumuli circulaires édifiés par l’accumulation de pierres plates pour former une voûte. L’une d’entre elle est connue sous le nom de Gebekilise.


Les lieux ayant été habités probablement jusqu'au 13e siècle, les constructions lélèges ont été remaniées maintes fois jusqu’ à la période byzantine.

Il en reste cependant des vestiges caractéristiques et il est rassurant de constater que ces fouilles archéologiques s’éloignent de l’habituelle sélection qui tend à ignorer les apports des "occupants" non grecs. Restauration et préservation sont également au programme. Des relevés topographiques, publications et recherches pluridisciplinaires visent aussi à établir quels ont été les étapes de peuplement, quelles relations y a-t-il eu entre ces populations et les Cariens, autres occupants de cette région, puis avec la société hellénique.

Le Prof. Dr. Adnan Diler ne ménage pas ses efforts pour faire reconnaître cette civilisation oubliée. Les fouilles de Pedasa ont été le sujet d’une conférence au Centre Culturel Français d’Izmir en avril 2010.



Vue de Bodrum depuis Pedasa






jeudi 23 juin 2011

Sur les traces des Lélèges

Les vestiges spectaculaires des villes gréco-romaines de la côte égéenne n’éclipsent plus totalement le riche passé préhellénique. Les recherches archéologiques depuis près d’un siècle ont révélé l’importance qu’ont pu avoir, dès l’âge de bronze d’autres civilisations en Anatolie, celles des Lyciens, Cariens, Phrygiens, Hatti, Ourartéens et autres. Certaines sont encore dans l’ombre malgré les découvertes de traces architecturales caractéristiques. Leurs noms sont mentionnés par les historiens et géographes de l’antiquité (Hérodote, Strabon) mais ces évocations sont insuffisantes pour reconstituer leur histoire et elles alimentent parfois une certaine confusion.

Il en est ainsi des Lélèges que certains auteurs assimilent aux Cariens ou aux Pélasges et qui mériteraient une plus grande attention. On dit qu’ils auraient fondé les cités d’Ephèse et d’Aphrodisias… qu’ils auraient été les alliés des Troyens autochtones, qu’ils auraient aussi été présents dans les îles égéennes et sujets des Minoens… Les hypothèses sont nombreuses et variées. On s’accorde généralement à leur attribuer des constructions spécifiques de citadelles et de tombeaux circulaires, édifices de pierres empilées sans mortier.



Dans la péninsule de Bodrum on ne peut ignorer leur présence puisqu’ils n’y auraient fondé pas moins de 8 ou 9 agglomérations :

Myndos (Gümüşlük), Syangela (Alazeytin) et/ou Tyangela (Kaledağ), Pedasa (Gökçeler), Telmesos (Gürece), Termera (Akyarlar), Side (près de Gül), Uranium et Madhasa (entre Türkbükü et Gölköy).
La plupart de ces sites constituent de superbes randonnées (particulièrement au mois de mai pour profiter d’une floraison exubérante !) mais les vestiges ne sont pas très accessibles et il faudra parfois se contenter de peu.





Le chemin qui conduit vers Tyangela est rude et une fois arrivé sur les hauteurs une abondante végétation protège le site des regards indiscrets… Mais la beauté des paysages récompense les marcheurs. Un tapis de cistes blanches, des touffes de lavande papillon à grosses fleurs, une doline remplie d’eau, combleront les botanistes et les géologues amateurs…





A quelques kilomètres de là, Pedasa, la capitale des Lélèges, sera notre prochaine destination pour en découvrir un peu plus…