dimanche 6 juin 2010

Nouvelle escapade à Edirne

C’est avec La Passerelle, en visite organisée, que je suis repartie à Edirne. Ce n’est pas désagréable de rejouer de temps en temps les touristes et de se laisser guider… Ça fait plaisir de se retrouver entre amis et de se laisser porter par une ambiance de collégiens en vacances !
La journée plus ensoleillée et plus longue a donc bien complété celle de novembre 2009!
Une nouvelle moisson de photos l’accompagne.

Je ne reviendrai pas sur l’élégance de la Selimiye qui en a époustouflé plus d’un…
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La visite a réservé d’autres belles surprises…

Sur la route Edirne-Karaağaç, au bord du fleuve Meriç, nous avons honteusement prolongé la pause-déjeuner. La vue panoramique du pont élégant aux 12 arches et 13 piliers (Yeni köprü), construit à la demande du Sultan Mahmut II et terminé en 1847, était si agréable ! Personne n’a songé à écourter ce moment de détente et de calme. Pourtant ce fleuve aux rives verdoyantes, n’est pas si tranquille qu’il en a l’air. Il n’est pas navigable. Prenant sa source dans les montagnes de Rila en Bulgarie avant de traverser Edirne et de servir de frontière entre la Grèce et la Turquie, son embouchure se situe à Enez (en Turquie).
Il est aussi connu ailleurs sous un autre nom : Maritsa
Je confirme qu’il était donc bien de circonstance de fredonner dans le car « La Maritza » (1968) de Sylvie Vartan, même si la mémoire nous faisait un peu défaut pour retrouver les paroles… La… La… La… Lalalalala… La…


Cette fois j’ai pu enfin découvrir le complexe religieux de Beyazıt II construit en 1484-88, par l’architecte Hayreddin, édifices très esthétiques entourés de jardins.


Dans la maison de santé du complexe, une place de choix fut réservée au traitement des malades mentaux. Les chambres ouvraient sur une pièce centrale baignée de lumière avec en son centre une fontaine au murmure apaisant. Dix musiciens jouaient des compositions variées (isfehan, rehavi, kuçi) appropriées à leur état d’esprit et l’aromathérapie faisait partie du traitement qu’on leur prodiguait avec succès, à en croire les écrits de l’époque. Pendant ce temps, il n’est pas inutile de le préciser, ils étaient brulés vifs sans aucune compassion sur les bûchers d’Europe comme suppôts de Satan.
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Les bâtiments restaurés abritent aujourd’hui le musée de la santé (sağlık müzesi) inauguré en 2000. On y voit des reconstitutions de salles de cours, de chambres d’étudiants, de salles de consultation, avec mannequins en costumes d’époque, grandeur nature, et accessoires. Tout l’historique du développement de la chirurgie et de la médecine pendant l’empire ottoman.
De nombreuses miniatures illustrent ces pratiques médicales et des instruments de chirurgie en témoignent.


A la différence de Bursa, première capitale ottomane qui garde les vestiges d’édifices construits dans le style architectural de la première période de l’Empire, Edirne, deuxième capitale, fut le témoin de développements et de progrès, période où l’art ottoman était à son apogée.

Malheureusement, du somptueux palais (Yeni saray), au bord de la rivière Tunca, dont la construction fut entamé en 1450, à l’époque du Sultan Murad II et terminé sous Mehmed II (le Conquérant), il ne reste pas grand chose. Dans les faubourgs d’Edirne, du coté de Karaağaç, le quartier de Sarayiçi où se déroulent les célèbres luttes de Kırkpınar, garde le souvenir de ce sérail de la "Vision du Monde" (Cihannüma Kasrı) où naquit, en 1459, le célèbre prisonnier du Limousin, Cem Sultan, fils cadet de Mehmet II, qui mourut empoisonné à Naples le 24 février 1495 après de longues années de captivité. (Lire : Le Turc et le Chevalier - Djem Sultan, un prince ottoman entre Rhodes et Bourganeuf au XVe siècle de Didier Delhoume et aussi Le Prisonnier De Bourganeuf d’Édouard Sablier
Même après la conquête de Constantinople, ce palais ne fut pas délaissé par les sultans qui aimaient y séjourner.
Il fut endommagé une première fois pendant l’été 1829 lors de l’occupation russe. Mais un des pavillons fut restauré en 1867 pour le passage annoncé du sultan Abdulaziz. Il fut presque totalement anéanti en 1875 par un gigantesque incendie provoqué par l’explosion d’un dépôt de munition dont le gouverneur Cemil Pacha avait ordonné la destruction en apprenant la nouvelle d’une prochaine occupation d’Edirne par les russes.
Le pont Fatih, construit en 1452 et bien conservé est situé près de la tour de justice (adalet kasrı) édifiée par Sinan pour Soliman Le Magnifique en 1562. Le palais (Cihannüma Kasrı), et le hammam de Kum Kasrı sont en ruine. Les bâtiments des cuisines sont actuellement en restauration.



De retour au centre ville, on consacre quelques instants à la visite de l’ancienne mosquée (Eski camii), construite entre 1404 et 1414, dont les murs intérieurs et extérieurs sont ornés de gigantesques calligraphies.
On reconnaît le koufique (2eme photo ci-dessous), anguleux et géométrique, le thuluth, forme parfaite d’écriture ronde, la plus importante des écritures ornementales. Le riqa s’apparente au thuluth mais les lignes horizontales sont raccourcies et l’écriture plus dense. C’est peut être aussi ce style qui est représenté en bandeau calligraphique blanc sur fond noir (3eme photo ci-dessous).
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Le minaret à trois balcons de Uç şerefli camii se dresse dans un ciel chargé.


Avant de partir, un petit tour vers le bedesten, construit en 1418, est au programme: les savons fruits y sont en bonne place. La spécialité remonte au début du 19e siècle, époque à laquelle la fabrication de savon était une des activités principale de la ville. En ajoutant des essences de fruits à la pâte de savon, l’idée vint à un artisan de donner au pain l’apparence du fruit correspondant. Pomme, poire, raisin, cerise, fraise, pêche, abricot, citron, coing, orange, banane, melon… Plus de quarante boutiques des marchés couverts, bedesten et arasta, vendaient ces savons colorés et parfumés mais la majorité de la production partait vers le palais du sultan et surtout vers le harem. Aujourd’hui, la municipalité tente de faire perdurer la tradition et un cours du lycée professionnel de la ville est consacré à l’apprentissage de sa fabrication artisanale.
On ne peut quitter Edirne sans rapporter un petit assortiment qui décorera la salle de bain…

… Pas plus qu’on ne peut résister au pécher de gourmandise en faisant un petit détour par Keçecizade pour se procurer quelques boites de délicieuses pâtes d’amande !
Et pour sacrifier à la dernière nouveauté du folklore touristique, une dernière photo sera consacrée au vendeur local de la friandise ottomane (osmanlı macunu), pâte fondante aromatisée et colorée enroulée autour d’un bâtonnet.




























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