mardi 23 octobre 2012

Pergame, la citadelle


Situé sur les pentes d’un piton rocheux, l’accès au site a été facilité depuis peu par l’installation d’un téléphérique qui permet d’avoir de surcroit une vue d’ensemble avant de flâner dans les ruines et un plongeant coup d’œil sur le lac de barrage du Kestel Çayı (antique Ketios).




On ne connaît pas les circonstances exactes de la fondation de la cité. Sa situation de citadelle semble être à l’origine de son nom.




Lysimaque, un lieutenant d’Alexandre le Grand y aurait déposé son butin de guerre avant de le confier à la garde du stratège Philetaire qui s’y établi en 282 av JC sous la tutelle des Séleucides en promettant de leur donner le trésor. Son neveu et successeur sera le fondateur de la dynastie des Attalides qui régnera sur un royaume indépendant jusqu’en 133 av JC.

Si Sardes fut à l’origine du système monétaire bimétallique qui perdura pendant 2500 ans, Pergame développa et systématisa au 2e siècle av JC l’utilisation des peaux animales comme support d’écriture. Le parchemin, peau de Pergame, présentant l’avantage de pouvoir être plié et même gratté pour une réutilisation, remplaça très vite le papyrus égyptien dans tout le monde gréco-romain. D’autant plus que l’Egypte ne voyait pas d’un bon œil l’ombre que faisait la bibliothèque de Pergame à celle d’Alexandrie et renâclait à lui fournir la matière.  
Cette trouvaille affirma la prospérité économique de la cité. 
Déjà culturellement très influente, elle devint un centre intellectuel bouillonnant à l’activité commerciale fructueuse. Les fortifications furent consolidées et les plus fastueux monuments de la cité hellénistique furent élevés à cette époque sous le règne d’Eumènes II : la célèbre bibliothèque et un palais dont il ne reste pas grand chose, les deux agoras, un grand gymnase, le théâtre à l’inclinaison impressionnante, le temple de Déméter, le temple de Dionysos, etc.





Toutes ces constructions furent entretenues ou aménagées par les Romains après qu’Attale III, fils d’Eumène II et roi sans postérité, ait légué le royaume de Pergame à Rome qui fit de la cité la capitale de sa province d’Asie. La prospérité et l'expansion de Pergame continuèrent jusqu’au déclin de l’empire romain.

A l’ombre des deux pins se trouvaient les vestiges du Grand  Autel de Zeus.


Pour en voir la reconstruction grandeur nature de sa façade, avec ses bas reliefs datant aussi du règne d’Eumènes II (-197/159) et représentant les combats mythiques entre les géants et les dieux de l'Olympe, il faudrait se rendre au musée de Pergame qui comme chacun sait se trouve … à Berlin. 



On peut y voir aussi de nombreuses autres sculptures de marbre qui décoraient les différents édifices. Les archéologues allemands ont en effet entrepris de gigantesques fouilles sur le site à la fin du 19e siècle pour fournir à leur pays des collections dignes de concurrencer celles que les Français et les Anglais se procuraient dans leurs colonies respectives ou ailleurs.

D’une blancheur éblouissante, le temple de Trajan, érigé entre 117 et 138 est le monument le plus spectaculaire du site et a visiblement fait l’objet d’une restauration récente. Avec quelques vestiges d’habitation dans la ville basse, il représente le principal ajout de la période romaine.




La cour Rouge qui se trouve dans l’agglomération actuelle de Bergama, abritait un temple dédié aux divinités égyptiennes (Isis et Sérapis). En briques rouges, il a été probablement construit sous le règne d'Hadrien (117-138). Il est flanqué de deux rotondes bien conservées. Le temple fut converti en basilique à l’époque byzantine. La cour du sanctuaire a la particularité d’être traversée en sous sol par une rivière, Bergama Çayı, antique Selinus, qui s’y écoule encore aujourd’hui par deux tunnels toujours en bon état.




A moins d’un kilomètre se trouve l’Asclépieion qui était relié à la ville basse par la Via Tecta dont il reste un tronçon. 


Le sanctuaire du dieu guérisseur Asclépios (Esculape) était un lieu de culte mais aussi de thérapie, fondé à l’emplacement d’une fontaine miraculeuse connue dès le 4e siècle av JC, dont  les vestiges actuels datent du 2e siècle, époque de l’empereur Hadrien.


C’est un vaste ensemble de portiques à colonnades, comprenant aussi des installations culturelles tel un théâtre et une bibliothèque.


Les bassins du centre de la cour étaient reliés au temple circulaire de Télesphore (divinité associée à la convalescence) par le cryptoportique, un tunnel voûté qu'empruntaient les malades plein d'espoir de guérison, long de 80 m où l'eau coulait sous le dallage depuis la source sacrée. 



Des sortes de niches aménagées dans les trois murs concentriques du temple accueillaient le sommeil des patients, et des prêtres interprétaient leurs rêves afin qu’ils bénéficient d’une thérapie adaptée : bains d'eau ou de boue, massages, exercices physiques, jeûnes, applications d'onguents et prescriptions de préparations à base de plantes médicinales.



Galien (129-199) né à Pergame y exerça ses talents de médecin.

Un autre centre de santé existait à une vingtaine de kilomètres au nord-est de Pergame. Il avait pour nom Allianoï. Il ne sera désormais plus possible de le visiter puisque la vallée où se trouvait l’antique cité thermale a été engloutie en janvier 2011, avec ses bassins d’eau chaude et l’hôpital de Galien, sous les eaux du barrage de Yortanlı destiné à l’irrigation de terres agricoles. La réalisation de ce projet gouvernemental a provoqué la consternation et la colère des scientifiques en particulier du professeur Ahmet Yaraş, qui a été chargé des fouilles préventives quelques années, sans parvenir à dégager plus de 20% des vestiges avant d’être démis de sa mission… sans doute par crainte que les trouvailles archéologiques ne compromettent le projet.

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