jeudi 28 avril 2011

Hanaps d'Iznik

Ma sympathie particulière pour cet objet vient peut être de ce qu’il concrétise des échanges culturels, des processus issus de rencontres fortuites entre des démarches artistiques ou des techniques parfois très éloignées, enrichissant l’une au contact de l’autre, transformant sans annuler leur originalité ou spécificité.

A défaut de pouvoir collectionner des exemplaires originaux, je me contente d’en aligner des reproductions photographiques et de vous les faire partager.
Petites photos à gauche: Hanaps d’Iznik, 16e siècle, crédits photographiques : RMN - René-Gabriel Ojéda ( les 5 premieres: musée d'Ecouen et pour l'hanap à fond bleu, musée du Louvre)

Si au 16e siècle, la production de carreaux de céramique à Iznik a été prolifique pour décorer les mosquées et les palais de panneaux fleuris et colorés, elle ne peut éclipser la réalisation de nombreuses pièces de formes variées et élégantes, vaisselle somptueuse (assiettes et plats…) ou objets d’ornements (vases et lampes de mosquée…). Une pièce particulière, répertoriée sous le vocable « hanap » en français et « kupa » ou « maşrapa » en turc, est bien représentée dans les collections muséales.

Celle du musée d’Ecouen présente un riche assortiment des décors du répertoire d’Iznik : arrangements savants de tiges fleuries mêlant jacinthes, œillets, tulipes ou fleurs de prunier, associées au style saz, ou bien nuages d’inspiration chinoise, guirlandes en spirale inspiré des tuğra, et bien d’autres ornements comme des bateaux, des vagues, de discrets motifs çintemani parfois…

Le mot français désigne un récipient à boire d'origine médiévale.
En Europe, les hanaps étaient généralement en métal : étain, cuivre, bronze émaillé. Le terme fut presque oublié à partir du 17e siècle. Dès le 16e, le mot chope, d’origine allemande le remplaça et se généralisa pour designer le récipient en céramique, en métal ou en verre (avec ou sans couvercle et d’une contenance d’environ un demi-litre) destiné à contenir une boisson à consommer.


Les relations diplomatiques et alliances entre Soliman le Magnifique et François 1er sont bien connues. Un accord commercial fut signé, favorisant la circulation des marchandises françaises dans les pays du levant. Tandis qu’un autre accord, plus important au regard de l’Histoire, unissait les deux monarques contre un ennemi commun : Charles Quint.

Mais revenons à la petite histoire…

A cette époque les échanges de cadeaux diplomatiques existaient déjà et l’on sait que les produits orientaux étaient recherchés dans l’Europe de la Renaissance, tout comme les objets d’art en provenance d’Italie et de France étaient appréciés des sultans.

Les occasions d’influences artistiques entre l’Orient et l’Occident n’ont donc pas manqué.

Le gobelet à anse plate et anguleuse n’apparait dans la typologie des formes spécifiques à la céramique d’Iznik qu’à la fin du 15e siècle. Il n’est pas impossible qu’il fut inspiré des hanaps européens en bois ou en métal et réinterprété en céramique.

François 1er a collectionné quantité d’objet dans des cabinets de curiosité (ancêtres des musées), dont un grand nombre de hanaps qu’il aurait fait réaliser par Bernard Palissy (1510-1589). Peut-être celles-ci :


Bernard Palissy, 16e siecle
On peut donc imaginer que le célèbre céramiste, qui consacra sa vie à découvrir le secret, puis à produire des faïences émaillées après avoir vu par hasard une coupe d’une grande beauté de provenance inconnue, (peut être une majolique italienne… mais peut être aussi une céramique lustrée orientale…) n’ait eu entre les mains une kupa d’Iznik ? A moins que quelques exemplaires de ces récipients qu’il avait conçu ne soient parvenu jusqu’au palais de la sublime porte et qu’ils n’aient servi de modèle pour une réinterprétation dans les ateliers d’Iznik ?


D’ailleurs l’histoire ne s’arrête pas là puisque des céramistes français et européens du 19e siècle vont s’inspirer largement des décors d’Iznik. Pour quelques copies conformes, il y aura de nombreuses adaptations et interprétations des motifs floraux. De nombreuses pièces seront réalisées dans les ateliers les plus prestigieux de l’époque pour satisfaire une clientèle qui venait de découvrir les originaux dans les musées.
Photo de droite: Hanap d’Emile Samson, 19e siècle, crédit photographique : catalogue Drouot

Certains avancent que l’Art nouveau, mouvement artistique de la fin du 19e et tout début du 20e siècle qui s'appuie sur l'esthétique des lignes courbes, doit beaucoup à la découverte des décors d’Iznik par les européens, qui ne manquèrent pas d’en exporter le style architectural à Istanbul, en particulier dans la Grand rue de Péra, actuelle rue Istiklal à Beyoğlu… La maison Botter, la pâtisserie Marquise, l’immeuble Mısır, en sont les exemples les plus connus.
La boucle n’est pas bouclée. L’histoire des civilisations nous apprend qu’une longue marche est entamée depuis longtemps et que les influences participent à la création universelle. 

Hanap d'Iznik, 16e s. musée des arts islamiques, Istanbul. 
(Il serait peut être judicieux d'en rénover la restauration...) 

Hanap d'Iznik, 16e s. musée Sadberk Hanım, Istanbul



Hanap d’Iznik, 16e siècle, crédit photographique : musée Calouste Gulbenkian -  Lisbonne

Quelle élégance! Celui-ci avec ses tulipes et ses jacinthes au dessin délicat est sans aucun doute mon préféré! 

















2 commentaires:

  1. Bonsoir

    J'adore vos mots dans les premières phrases de votre article sur les échanges culturels et votre sentiment à ce sujet

    Pascal

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  2. Oh la la!!! quel art!!!!!!!!!!
    FANNY

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