mercredi 28 février 2018

Göbekli Tepe : Conférence à l’Institut Français d’Istanbul


Ce mercredi 28 février, sur l’initiative de l’Association Culturelle Turquie/France, l’Institut Français d’Istanbul accueillait Mr Levent Sepici.


Attiré dès son plus jeune âge par « l’histoire orale » Levent Sepici a effectué de nombreuses recherches dans ce domaine et s’est intéressé aux fouilles de Göbekli Tepe depuis les années 2000. Présent lors de nombreux symposiums relatifs à ce sujet, il fut à la fois auditeur et conférencier. Il est l’auteur d’un ouvrage sur Göbekli Tepe paru en 2013, traduit en anglais en 2014.


Devant un public captivé il a livré sa vision du site archéologique de Göbekli Tepe, ses études thématiques des résultats des fouilles, ses réflexions, ses hypothèses, ainsi que les nombreuses interrogations restées sans réponses sur ces gigantesques et énigmatiques constructions que des hommes encore non sédentarisés ont commencé à élever et abondamment décorer sur une période de deux millénaires, il y a 12000 ans.
Pas moins de 20 structures circulaires ou ovales (centres rituels?) ont été détectées et 9 sont à l’étude. 
Elles ne se superposent pas mais se côtoient. Les datations montrent qu’elles ont été construites les unes après les autres, chacune sur plusieurs siècles.   
Comment ces hommes ont-ils pu transporter les blocs de pierre, tailler les piliers avec autant de précision, les dresser sur une assise conique en pierre ? Comment était organisé ce vaste chantier qui révèle des détails stupéfiants. Le sol à l’intérieur de ce que l’on désigne « temple » faute d’en connaitre exactement l’usage est légèrement incliné vers l’est sur une structure imperméable et des sortes de bouchons laissent supposer l’existence d’une réserve d’eau… Mais où s'écoulait cette eau sur ce socle en basalte? Et quelle était sa fonction ? S’en servir comme d’un miroir pour observer le ciel ?
Que dire des innombrables représentations animales et symboles abstraits… Comment les interpréter ?
Quelle fut la motivation ? Besoin de communiquer, transmettre, expliquer une réalité ? Se protéger de l’inconnu ?
Et quelle explication donner à l’enfouissement volontaire de ces constructions sous des tonnes de terre, travail titanesque, lui aussi, qui a du prendre plusieurs siècles et qui a résisté dix millénaires à l’érosion !


La conférence s’est déroulée en turc avec traduction simultanée en français.
Si vous êtes turcophone vous pouvez suivre ce passionnant exposé sur ce lien :



dimanche 25 février 2018

Iskender kebap : spécialité culinaire de Bursa


Après notre visite de Cumalıkızık, nous avons repris la route pour Bursa.
Aucune flânerie dans les vestiges de l’ancienne capitale ottomane n’était au programme. Notre objectif était clairement gastronomique : déguster le meilleur Iskender kebap avant de repartir à Istanbul!
Comme cette spécialité culinaire, portant le nom de son inventeur, est une véritable institution depuis un siècle et demi, elle est à la carte de nombreux restaurants de Bursa et de bien d’autres villes.
Deux adresses seulement se partagent les faveurs des autochtones et se targuent chacune d’être en tête de liste :
KEBAPÇI ISKENDER, Tayyare Kültür Merkezi Yanı, Atatürk Caddesi, No 60, Osmangazi / BURSA
et
ULUDAĞ KEBAPÇISI, Cemal ve Cemil Usta, Ulu Mahallesi, 16. Şirin Sokak, No 12, Osmangazi / BURSA

C’est à cette deuxième adresse que nous avons fait notre pause kebap.


Il a fallu patienter un peu car la file d’attente s’allonge devant la vitrine. On a le temps de saliver dans les fumets de viande grillée avant de pouvoir s’installer à une table du local exigu, aux murs tapissés des photos d’une fidèle et nombreuse clientèle depuis 1964.


Un coup de torchon et aux suivants !


On ne perd pas de temps à choisir son menu puisqu’ici on a le choix qu’entre une portion ou une portion et demie.


Et puis les assiettes arrivent enfin.


Je ne suis pas une inconditionnelle du kebap en général, mais je m’étais motivée pour l’occasion.
Une agréable surprise : absence totale de sauce au concentré de tomate qui arrose en principe généreusement les fines lamelles de viande sur leur lit de pide dans les versions stambouliotes (et même aussi dans d'autres restos de Bursa) et qui alourdit inutilement l’ensemble à mon avis.
Juste deux rondelles de tomates, un piment vert, et une généreuse cuillère de yaourt accompagnent le plat, arrosé quand même de beurre fondu dont il est possible de demander un supplément ! Mais personnellement c’est largement suffisant !
La viande, peu grasse et légèrement parfumée d'épices, est savoureuse. Savant dosage de bœuf et de mouton.
J’ai réussi à finir mon assiette ! Le test est positif !
La taille du döner sur sa broche verticale tournant devant les braises d’un feu de bois diminue à vue d’œil. Quand il est terminé, vers 18h au plus tard, les portes de la boutique se ferment jusqu’au lendemain midi. Pas de service le soir.
Un çay offert par la maison? Oui volontiers !
L’addition s’il-vous-plait: 87 TL pour 2 personnes, avec boissons et assiette de turşu (cornichons, tomate verte, feuilles de choux en saumure) comprises.



samedi 24 février 2018

Architecture rurale ottomane à Cumalıkızık, près de Bursa


Le village de Cumalıkızık figure depuis 2014 sur la liste du patrimoine mondial l’Unesco en tant qu’un des éléments illustrant la naissance de l’empire ottoman au début du 14e siècle, autour de sa première capitale Bursa (de 1326 à 1366).



Il révèle la volonté des premiers sultans de la dynastie de planifier un système économique et social visant à un développement urbain rapide, en y associant les zones rurales comme bien d’utilité publique (vakıf). Certains villages devaient contribuer au financement du fonctionnement d’un külliye, ensemble architectural urbain aux fonctions sociales, culturelles, commerciales, religieuses et éducatives. Cumalıkızık était ainsi associé au complexe d’Orhan Ghazi, le premier construit à Bursa, dont il ne reste maintenant que la mosquée, l’auberge des marchands, Emir han (reconverti en marché), un hammam (reconverti également en marché, Aynalı çarşı) et le mausolée du sultan. La medrese (école) et l’imaret (cuisine publique) ont disparues. 
Situé à une dizaine de kilomètres à l’est de Bursa, au pied de la montagne, Cumalıkızık, n’était pas le seul village inclus dans ce système, mais il présente aujourd’hui encore une structure architecturale bien conservée. Pas moins de 280 maisons dont plus de la moitié sont encore habitées.


Nous avons donc arpenté les ruelles pavées avec rigole centrale pour l'écoulement des eaux, posé les yeux sur ces façades séculaires souvent bien colorées d’indigo, safran ou turquoise.





D’autres, plus ou moins décrépies laissent voir les éléments de construction, charpente et pisé, surmontant les soubassements de pierres. 


Certaines fenêtres ont retrouvé leur moucharabieh en usage à l’époque.


En bonne place la coopérative de développement agricole témoigne de la vocation initiale du village.



On était prévenu qu’il fallait éviter les fins de semaine et les périodes de congés pour ne pas se retrouver dans la cohue touristique. Alors ce jeudi de février aurait dû convenir pour apprécier l’escapade dans un espace sans circulation! (Parking en dehors du village) 
Mais l’enthousiasme ne fut pas au rendez-vous. Atmosphère trop dénaturée, trop surfaite, trop racoleuse, il manque ici la sérénité ressentie dans d’autres villages, certes moins renommés, comme Yörük Köyu (près de Safranbolu), Ormana (à proximité d’Antalya), ou Kargı (près de Fethiye)… et sans doute bien d’autres.
Victime de son accessibilité (15mn de Bursa, 2h d’Istanbul), se raccrochant au passé comme fond de commerce, Cumalıkızık donne l’impression que ses habitants ne s’activent que dans cette seule perspective. On ne perçoit pas leur plaisir de vivre dans ce village préservé, ni aucune fierté, mais une vague lassitude.
La popularité des lieux ne semble pas avoir comblé leurs espoirs. Il faut dire que la concurrence est rude. La plupart des maisons proposent uniformément petits déjeuners campagnards et gözleme (sorte de crêpes). 



Les échoppes de souvenirs et diverses productions locales sont nombreuses. Mais la quantité semble bien prendre le pas sur la qualité. 



Je me suis quand même laissée tenter par une fabrication artisanale de tarhana aux orties. On verra si cette préparation déshydratée à base de yaourt, dont on fait une soupe en rajoutant de l’eau, tient les promesses de la villageoise qui prétend l’avoir confectionnée.
L’habitat est très concentré et ne nécessite donc pas une longue marche. 


Pour se dégourdir les jambes et profiter plus longtemps du bon air de la montagne toute proche on a pris un peu de hauteur en suivant le chemin à la sortie du village. Sur les talus quelques violettes, une audacieuse floraison jaune annoncent le printemps. Un gentil matou en ferme les yeux de plaisir.



Le gargouillis d’un torrent a chatouillé nos oreilles et aiguisé notre curiosité. Le découvrir environné d’une décharge et lui-même bien encombré de déchets en plastique fut la déception de trop sans doute… Le navrant spectacle se passe d’illustration. 
Vous l’aurez compris, je n'ai pas trouvé cette visite inintéressante, mais pas vraiment incontournable.


mercredi 21 février 2018

Exposition « La manufacture de tabac de Cibali, mémoire d’un lieu de travail »


Depuis la dernière décennie du 20e siècle, plusieurs friches industrielles en bordure de la Corne d’Or ont bénéficié d’une réhabilitation après restauration, et sont devenues des lieux culturels attractifs.
Le musée Rahmi Koç (musée des transports, de l’industrie et des communications) s’installe en 1991 dans l’ancienne Lengerhane, fonderie d’ancre au 18e siècle construite sur les ruines d’une ancienne église byzantine.
Un espace d’exposition réalisé par la municipalité du Grand Istanbul occupe depuis 1998 les locaux de l’ancienne Feshane, manufacture de fez du 19e siècle.
Santral Istanbul (musée de l’énergie et musée d’arts contemporains) fait revivre le site et les bâtiments de l’ancienne centrale électrique ottomane Silahtarağa depuis 2007.

Kadir Has, un homme d’affaire, entreprit la reconversion de la manufacture de tabac de Cibali à des fins éducatives. Un campus universitaire privé y est installé depuis 1997. Le musée Rezan Has, du nom de l'épouse de Kadir Has a ouvert ses portes en 2007.


On y a vu dans un précédent article une sélection de la collection archéologique de la fondation Kadir Has. L’exposition « Une terre en héritage » remplit sa mission de transmission des connaissances en nous racontant la préhistoire, la protohistoire, l’antiquité et la période médiévale de la terre qui verra naître l’empire ottoman puis la république de Turquie.
Une autre exposition au rez-de-chaussée du musée, fait entrer dans l’histoire le bâtiment et son activité laborieuse depuis sa construction en 1884 par Alexandre Vallaury, (architecte leventin qui a réalisé de nombreuses constructions monumentale à Istanbul dont entre autres, le Cercle d’Orient, le musée archéologique, le siège de la Banque Ottomane,  le Pera Palace…).


Placée sous le contrôle de la Régie ottomane des tabacs, puis monopole Tekel de la république de Turquie, la production en ces lieux n’a complètement cessée qu’en 1995.
Espace économique et social pendant plus de 100 ans, qui employa jusqu'à plus de 2000 personnes dont 1500 femmes, la manufacture recelait de nombreux témoignages de son passé. Après avoir été inventoriés, restaurés et conservés par le musée de l'Histoire des Sciences et Technologies de l'Islam, une sélection de documents et de machines est de retour à Cibali dans les anciens ateliers pour être présentée au public jusqu’au 31 mai 2018.    
Dans la salle d’exposition permanente à l’entrée du musée, une collection de photos témoigne de l’activité des employés, en particulier du personnel constitué essentiellement de femmes.
Dans une autre salle et temporairement sont exposés du matériel de fabrication et autres documents.






Des emballages de paquets de cigarettes élaborés pour divers événements



Le musée Rezan Has s’emploie ainsi à apporter sa contribution dans la transmission des traces d’un passé plus récent.
Musée Rezan Has, Université Kadir Has, Kadir Has Caddesi, Cibali-Istanbul
(Proche de la station de métro Haliç)
Ouvert tous les jours de 9 h à 18 h. Entrée libre


vendredi 16 février 2018

Exposition « Une terre en héritage » au musée Rezan Has


Le musée Rezan Has possède une belle collection de pièces archéologiques. Le plus souvent elles restent à l’abri des regards, dans les réserves accessibles aux seuls spécialistes. Elles en étaient sorties pour une exposition temporaire en 2009 sous le titre « Les témoins silencieux ».
Pour ceux qui l’auraient manquée voici une autre occasion de découvrir quelques 300 objets de la vie quotidienne retraçant en un bref condensé 9000 ans d’activité humaine sur un espace géographique, le sol de la Turquie actuelle, du néolithique aux Seldjoukides. Une récidive donc avec cette exposition qui vient de commencer sous l’appellation : « Une terre en héritage » (Toprağın Mirası) et qui se poursuivra jusqu’au 31 octobre 2018. (Prolongée jusqu'au 28 février 2021)



Avant de flâner devant les vitrines de l’exposition, précisons que la salle est en sous-sol et qu’elle recèle les vestiges d’une citerne byzantine du 11e siècle et d’un hammam ottoman du 17e siècle.



Déjà tout un programme et ce n’est pas tout puisque les imposants bâtiments qui surplombent ces traces d’un passé lointain, et qui abritent aujourd’hui le musée Rezan Has et l’Université Kadir Has, ont été construits à la fin du 19e siècle pour une manufacture de tabac. L’histoire de cette manufacture fait d’ailleurs l’objet d’une autre exposition au rez-de-chaussée du musée, jusqu’au 31 mai 2018. J’en reparlerai prochainement.

Mais pour le moment remontons le temps pour franchir les étapes de l’évolution de l’humanité depuis le début de sa sédentarisation qui a ouvert la voie à l’apparition de bien d’autres comportements et techniques diverses… agriculture, stockage, domestication d'animaux, production de céramiques, échanges, urbanisation, invention de la roue et de l’écriture…
Dans les vitrines du déjà vu mais aussi quelques éléments exposés pour la première fois. La plupart sont en terre cuite, mais les plus anciens sont en pierre et quelques uns témoignent de la maîtrise du travail du métal et du verre.

*  Néolithique (7500 - 5500 avant notre ère)
Divers outils façonnés dans la pierre,.pointes de flèches en obsidienne et silex, 7500/5500



Bols façonnés dans la pierre, hache en pierre polie, couvercle en terre cuite, 6500/5500 


Déesse-mère assise en terre cuite, 6500/5500 


* Chalcolithique (5500 - 3500 avant notre ère) 
Gobelets modelés en terre cuite, 4500/3500


Récipients modelés et coupes à pied tournées en terre cuite, 3500/3000 


* Age du bronze (3500-1200 avant notre ère)
3 godets soudés et réunis par une anse au décor incisé  


Cruches à long bec verseur, 3500/2000 


Petits récipients à couvercle et décors incisés de type Yortan, 3500/2000, spécifiques d’une culture de poterie développée dans l’Anatolie de l’ouest (région de Balıkesir) et dont on a retrouvé des traces jusqu'à la côte égéenne et dans les couches inférieures du site de Hisarlik (Troie)


Documents de comptabilité et contrats de travail sur tablettes d’argile en écriture cunéiforme, en babylonien (dialecte de l'akkadien) et en sumérien, datés de la fin du 3e millénaire


Rython, récipient à breuvage de cérémonie, 2e millénaire, provenance Van- Urmiye 


Récipients à décor polychrome, 2e millénaire, provenance Van–Urmiye 



* Age du fer (1200-330 avant notre ère)
Cruche décorée en terre cuite, 1000/700 


Urnes et récipients du palais au royaume d’Urartu, 8e/7e siècles 


* Grèce antique, période archaïque et classique (780 - 338 avant notre ère)
Fioles à parfum et coupe décorée en terre cuite du 7e/6e siècles 


Pichets décorés et coupes à vin du 4e siècle


Bols moulés en terre cuite et fioles à parfum en verre du 4e siècle


* Période romaine (1er siècle avant notre ère - 4e siècle)
Cruches, bol, plat, hanap, pot à couvercle en terre cuite


Strigile en bronze du 2e siècle, sorte de racloir recourbé, instrument d’hygiène corporelle servant à enlever la sueur et la poussière en complément de l'action de l'eau des thermes. Hameçons pour la pêche en plomb et bronze, dés et osselets en os

  
Jarre à huile et cruches en bronze


Verres, cruches et flacons à parfum en verre, 1er/3e siècles 


* Période byzantine (4e siècle - 15e siècle)
Passoire à manche en bronze et divers autres objets du 5e/6e siècles 


Bols monochromes sous glaçure, du 9e siècle et plat en céramique incisée du 12e siècle


* Période seldjoukide (9e siècle – 13e siècle)
Plats en bronze du 11e/13e siècles et gourde en céramique sans glaçure du 13e siècle 


Coupes en céramique à engobe sous glaçure et décors noir, 13e siècle


Coordinatrice du projet : Zeynep Çulha
Musée Rezan Has, Université Kadir Has, Kadir Has Caddesi, Cibali-Istanbul
(Proche de la station de métro Haliç)
Ouvert tous les jours de 9 h à 18 h. Entrée : 5TL