dimanche 16 avril 2017

Aux alentours des Buttes-Chaumont

A Paris, la campagne n’est jamais très loin… Beaucoup de quartiers ont su préserver un petit air provincial, un petit bout de nostalgie qui ne charme pas que les touristes. Le 19e arrondissement n’échappe pas à la règle, et ce n’est pas seulement dû à la présence du célèbre parc des Buttes Chaumont, création de l’ingénieur Jean-Charles Adolphe Alphand, inauguré le 1er mai 1867, (tout juste 150 ans) sur les pentes escarpées d’une ancienne carrière à ciel ouvert de gypse dont on fait le plâtre et de pierres meulières destinées à la construction d’immeubles parisiens.
Rendons ici un modeste hommage à celui qui a intégré la nature dans les rues de la capitale en aménageant de vastes espaces vert, (bois de Boulogne, bois de Vincennes…), en créant également le parc Montsouris et le parc Monceau ainsi que la plupart de nos jardins publics, et qui a systématiquement plantés d’arbres les boulevards et les avenues redessinés par le baron Hausmann.
Depuis le belvédère des Buttes-Chaumont, admirons la vue panoramique sur les collines verdoyantes, le lac artificiel, la passerelle suspendue, œuvre de Gustave Eiffel, et sur une autre butte bien agréable elle aussi, la Butte Montmartre.


Tout près de là, sur l’emplacement d’autres carrières de gypse exploitées par creusement de galeries, un ensemble d’habitations à un étage, flanquées de jardinets défie les idées reçues sur l’architecture urbaine. La fragilité du sous-sol, incompatible avec la construction d’immeubles a permis au quartier d’en être préservé durablement. C’est ainsi que de part et d’autre de la rue de la Mouzaïa, des villas, étroites ruelles pavées, alignent des maisons de poupées blotties dans une végétation exubérante depuis la fin du 19e siècle. Elles furent bâties pour y loger des ouvriers. Ce n’est évidemment plus le cas aujourd’hui, tout comme la Campagne à Paris du 20e arrondissement.




Petit détail singulier, la rue de la Mouzaïa (par ailleurs ville d’Algérie) est incluse dans le quartier d’Amérique ! Renonçant à retrouver nos repaires géographiques nous continuons notre voyage agréablement déboussolant pour arriver devant le 93, rue de Crimée et y découvrir une église russe orthodoxe. Cette fois, la nomenclature semble devenir plus cohérente et coïncider avec l’actualité puisque la Crimée ukrainienne a été rattachée à la Russie en 2014. Que la péninsule soit finalement écartelée entre les deux, est une autre histoire…
La grille en fer passée, il faut remonter l’allée pour voir l’étrange bâtisse colorée enfouie dans la verdure. 


Elle n’a cette apparence que depuis 1924 car avant cette date elle abritait une église Luthérienne Allemande. Son acquisition par la communauté orthodoxe répondit à la forte migration russe provoquée par la révolution.  Elle devint l’église Orthodoxe Saint-Serge de Radonège. Elle n’est ouverte que pendant les offices. Nous nous contenterons donc d’une halte paisible sur un banc ombragé dans ce cadre insolite.




vendredi 14 avril 2017

Du côté de la butte Montmartre

Pour peu qu’on me parle de flâneries dans les rues parisiennes me vient à l’esprit la butte Montmartre. Pas celle du Sacré Cœur ni de la place du Tertre un peu trop fréquentée à mon gout, mais tous ses recoins plus secrets, portant les traces de ses anciens habitants, paysans, meuniers, artisans, puis artistes peintres, sculpteurs, écrivains, acteurs, chanteurs d’hier et d’aujourd’hui. Car ils sont nombreux à s’être laissé séduire.
Pour s’imprégner des lieux, le musée de Montmartre, installé dans la plus ancienne maison de la butte est une bonne introduction. Je l’avais visité en automne 2014, peu après sa restructuration.
 
Commençons cette fois la promenade place des abbesses et un petit crochet par le square Jehan Rictus, avec une brève concession à ce que je viens d’énoncer, car l’endroit est très prisé des touristes. 



Une banale façade aveugle porte depuis 17 ans l’œuvre imaginée par Frédéric Baron, calligraphiée par Claire Kito et réalisée par Daniel Boulogne. « Le mur des je t’aime », grand panneau composé de carreaux de lave émaillée, reproduit les écritures manuscrites recueillies sur feuilles de papier pendant plusieurs années dans toutes les langues du monde. Les éclats rouge vif, éparpillés entre les déclarations calligraphiées en blanc sur le fond bleu marine, sont les morceaux d’un cœur en attente de reconstitution, symbolique message d’espoir d’amour et de paix.



Surmontant le tableau des « je t’aime », plusieurs versions du graffiti collage femme fatale signé Rue Meurt d'Art, se sont succédées au fil des ans mais le message contenu dans la bulle reste le même « aimer c’est du désordre… alors aimons ! ». Pourquoi pas, mais je ne vois pas bien le rapport avec la femme fatale !


A moins que ce ne soit un clin d’œil, à Dutilleul, alias Garou-Garou, héros au destin tragique de la nouvelle de Marcel Aymé « Le Passe-muraille » (Gallimard, 1943) qui après avoir abondamment usé de l’exceptionnelle faculté de traverser les murs pour se venger du harcèlement de son chef, puis pour commettre de nombreux larcins et narguer ses gardiens de prison en s’évadant autant de fois que nécessaire, se retrouve coincé dans la muraille après quelques nuits d’amour auprès d’une belle, épouse délaissée d’un mari jaloux. Il va s’en dire que l’auteur a situé cette rocambolesque histoire dans les rues de Montmartre où il a passé une bonne partie de sa vie. Devant sa maison, rue Norvins, Dutilleul est figé dans le mur depuis 1989. 


C’est à Jean Marais, acteur et sculpteur, que l’on doit ce malicieux hommage à l’écrivain.

Vestiges des nombreux moulins érigés depuis le 16e siècle sur la ligne de crête de la Butte Montmartre, ils ne sont plus que deux à déployer leurs ailes. Le moulin Blute-fin, seulement visible de loin car enclos dans une propriété privée, et son ancien voisin le moulin Radet, déplacé un peu plus haut à l'angle des rues Girardon et Lepic, rebaptisé moulin de la galette en 1934 pour servir de guinguette les dimanches et jours fériés et aujourd’hui un restaurant. Mais il y a longtemps qu’on n’y mange plus de galette avec un verre de lait. 



C’est pourtant de cette tradition que l’endroit, constitué de l’ensemble des moulins et fermes attenantes, avant le déplacement de l’un d’eux, doit son nom, le Moulin de la Galette, qui attirait les parisiens avec son bal populaire et dont  Renoir immortalisera l’ambiance festive sur l’une de ses toiles en 1876.
  
Au détour de nos pérégrinations, nous voila devant la petite maison rose, 2 rue de l’abreuvoir, gargote modeste où se retrouvaient les artistes, immortalisée par Maurice Utrillo. 


En descendant la rue, une autre maison rose et sa guirlande de glycines et un cadran solaire rescapé d’autrefois.




A l’angle des rues Girardon et de l’Abreuvoir, sur la place Dalida commence l’allée des Brouillards et sa folie jouant à cache-cache derrière les floraisons d'un buisson de spirée et d'un lilas. Elle fut construite en 1772 à l’emplacement d’un autre moulin (le moulin à vin du 17e siècle).




Au milieu du 19e siècle, la bâtisse qui a fasciné Gérard de Nerval tombe en ruines. Dans les cabanes en bois et bicoques en tôle qui l’entourent, séjourne une foule de marginaux et d’artistes dont Modigliani et Brancusi, constituant le célèbre maquis.
Le château des brouillards comme on le nomme encore, doit son nom à l’atmosphère brumeuse qui se dégageait autrefois de sources d’eau chaude affleurant en ces lieux. Il échappera de peu à la destruction et sera restauré au début du 20e siècle.
Quant au maquis, il a été rasé pour percer, entre 1910 et 1912, l’avenue Junot que nous redescendons maintenant jusqu'à une impasse étonnante, née elle aussi de ces transformations urbaines. Un petit air provincial, anglo-normand se dégage de cette voie pavée et des bâtisses à deux ou trois étages qui la bordent.
Un rêve de campagne en plein Paris, comme il y en a d’autres…
Tout au fond, surmontant l’auvent de la porte d’entrée d’une maison de brique rose aux volets vert, un chat en céramique a trouvé un refuge précaire



Ne serait-ce pas celui de la mère Michel qui, comme le dit la cruelle comptine, l’aurait perdu ? Ou bien l’un de ceux de Louise Michel échappé du roman de Christian Wacrenier « Les Chats de Louise Michel », Gallimard, 2014. L’auteur affirme d’ailleurs dans son blog que la mère Michel et Louise Michel ne sont qu’une et même personne et que les paroles de la chanson ont été écrites pour se moquer d'elle. Je ne la chanterai plus à mon petit fils ! Mais je ne manquerai pas la prochaine fois de faire un tour dans le square Louise Michel, celui que l’on grimpe pour atteindre la basilique et qui depuis 2004 porte le nom de la figure emblématique de la Commune de Paris, de la défense du droits des femmes puis du mouvement libertaire… et je viens de l’apprendre, affectueuse protectrice des chats. Ils sont d’ailleurs nombreux à avoir colonisé les pentes à la végétation foisonnante. Ils y ont trouvé le gîte. Le couvert et les caresses sont fournis par de bienveillants habitués et promeneurs de passage. Tout comme à Istanbul... Au hasard d'une balade j'avais rencontré celui-là...





mardi 11 avril 2017

Les jardins flottants Niki de Saint Phalle, espace de verdure en bord de Seine

Ce long séjour parisien ne peut être qualifié de voyage d’agrément ce qui n’empêche pas de flâner au gré des envies. Sans pour autant délaisser les expositions et les cinémas, j’ai privilégié le plus souvent possible les parcs et les jardins pour y puiser un peu de sérénité.

Pont Bir Hakeim - Art Nouveau 1905

Pont Alexandre III - Art Nouveau 1900



En bord de Seine, côté rive gauche, entre le pont de l'Alma et celui des Invalides, tout près du spectaculaire pont Alexandre III, du Grand Palais et du Petit Palais, voici des jardins flottants amarrés à de grandes poutres métalliques et reliés par des passerelles. Ils ont été inaugurés en juin 2013 et baptisés Niki de Saint Phalle en septembre 2014 pour honorer la mémoire de l’artiste. 


Des espaces de repos ont été prévus pour que la promenade se transforme, en pause détente dans un hamac, sur un banc ou une large chaise longue… J’ai découvert les lieux l’année dernière. Les photos datent d’un jour un peu terne et les amateurs ne se bousculaient pas, mais il suffit d’un rayon de soleil pour les attirer.


Les berges de la Seine ont certes été rendues en bonne partie aux piétons, jogger et cyclistes mais n’offrent pas souvent cette atmosphère champêtre. 


En plein cœur de la ville ces îlots de verdure sont les bienvenus. L’île aux oiseaux, l'île prairie, l'île centrale, l'île verger, l'île aux brumes, tout un archipel pour décliner une végétation variée, accueillir les chants des oiseaux. 







Ce lieu de charme est une invitation à passer un moment tranquille dédié à la lecture, la contemplation ou la rêverie, bercé par les flots doucement agités au passage des péniches. Je suis prête à lui reconnaître une fonction thérapique proche de la vision que Niki de Saint Phalle avait sur sa création artistique :
« Peindre calmait le chaos qui agitait mon âme et fournissait une structure organique à ma vie sur laquelle j’avais prise. C’était une façon de domestiquer ces dragons qui ont toujours surgi dans mon travail tout au long de ma vie et cela m’aidait à me sentir responsable de mon destin. Sans cela, je préfère ne pas penser à ce qui aurait pu m’arriver. » Niki de Saint Phalle, Harry and Me. The Family Years, Zurich, Benteli, 2006



vendredi 7 avril 2017

Anniversaire d’une fille unique

Depuis le commencement de ce blog, tous les 7 avril j’avais pris l’habitude d’un petit retour personnel sur des souvenirs d’enfance, sans frère, ni sœur… et donc de fille unique.
L’année passée, le mois d’avril et les suivants ne furent pas tendres et les souvenirs d’enfance ont perdu de leur insouciante légèreté, se sont dilués dans un silence hébété par un futur trop incertain.

Et puis les mois ont passé, un autre 7 avril est arrivé. 





Je n’évoquerai pas cette fois ni des souvenirs, ni mon enfance, mais le présent de cette journée et la présence physique ou par message de tous ceux et celles qui m’ont soutenue pendant toute cette traversée de moments difficiles. 
Leurs précieux témoignages d’empathie m’ont encouragée à franchir les étapes et la suite du chemin semble maintenant plus dégagée.

lundi 3 avril 2017

Des tulipes à Paris

C’est le temps des tulipes à Istanbul, mais cette année je n’y serai pas pour le 12e festival…
Même si les parterres sont ici moins spectaculaires en comparaison des vagues colorées du parc de Gülhane, de celui d’Emirgan ou bien, entre Sainte Sophie et la mosquée bleue, du tapis de tulipes aux motifs des vrais tapis et kilims traditionnels, il y a cependant de beaux massifs au Parc Floral et dans d’autres jardins plus modestes. On pourra s’en contenter…








D’autant plus qu’en parcourant les allées, d’autres floraisons ne peuvent passer inaperçues… telles ces énormes fleurs de magnolias, celles de l’azalée le plus photographié du parc ou les gracieuses grappes des glycines. 




Convenant mieux à leur délicatesse, les fleurs de pommiers s’épanouissent dans un coin reculé du parc, près du jardin insolite.


Tandis que les boutons de pivoines préparent patiemment leur magnifique éclosion, que les fougères déroulent au ralenti leurs crosses, les arbres de Judée nous transportent en pensée jusqu’aux collines roses des rives du Bosphore…