mercredi 16 décembre 2015

Dans les rues d’Üsküdar

Faubourg anatolien d’Istanbul, sur la rive asiatique du Bosphore, il n’est qu’à dix minutes de l’embarcadère de Beşiktaş (rive européenne). Nous retrouvons notre guide improvisée pour effectuer cette brève traversée et la suivre dans un quartier qu’elle connaît bien pour y avoir passé son enfance.
Le rendez-vous a été fixé avec le reste du petit groupe près de la monumentale fontaine Ahmet III, première construction de ce type édifiée en 1728 près de l’embarcadère d’Üsküdar, et à ne pas confondre avec l’autre fontaine Sultan Ahmet trônant devant l’entrée du palais de Topkapı, construite dans la foulée mais plus richement ornée.
Celle-ci est sobrement conçue sur un plan carré à pans coupés. Marbres finement sculptés de rinceaux et de fleurs, gravés de poèmes calligraphiés la décorent. Sur chaque façade, les fontaines à abreuvoir étaient destinées aux bêtes et à l’approvisionnement en eau, tandis que les petites fontaines d’angle, plus en hauteur servaient à se désaltérer.



Nous longeons le boulevard Paşalimanı, sur la gauche en tournant le dos au Bosphore, pour arriver vers une bâtisse ottomane ayant bénéficié d’une reconversion culturelle comme d’autres constructions d’Istanbul




Nous y croisons des musiciens, instruments à la main, se hâtant vers les salons de répétition… Depuis la fermeture de l’AKM (Atatürk Kultur Merkezi), place Taksim, et de ses hypothétiques restauration, démolition, reconstruction, les artistes doivent se contenter de ces lieux qui n’offrent à priori pas toutes les meilleures conditions acoustiques, mais une surface adéquate. Théâtres, opéras, ballets sont provisoirement mis en scène dans cet élégant bâtiment qui aurait été construit entre 1798 et 1802 pour accueillir un dépôt à grains, et qui aurait servi de distillerie au monopole d’état turc Tekel au début du 20e siècle. Quelques salles, où sont regroupés diverses machines et tonneaux, constituent un petit musée attestant de cette activité liquoreuse.







L’autre bâtisse sur la droite, dont ne subsistent que les murs percés d’innombrables ouvertures, est connue pour avoir servi de dépôt de tabac de la même société Tekel.


Nous revenons sur nos pas en direction de l’embarcadère pour découvrir d’autres lieux témoignant plus ou moins discrètement du passé ottoman d’Üsküdar, en laissant de côté pour le moment les innombrables minarets dressés vers le ciel.
En remontant l’avenue Doğanlar, un bâtiment du 19e siècle, ancienne Tephirhane, aujourd’hui réaffecté à l’apprentissage des arts décoratifs ottomans, recèle encore des étuves qui servaient à la désinfection des vêtements des personnes malades afin de prévenir les épidémies.



Dans les environs, la rue Eski Mahkeme tient son nom du petit édifice à deux niveaux qui aurait abrité le plus ancien tribunal turc. 


Une légende populaire édifiante dit qu’au 15e siècle, Mehmet le Conquérant en personne y aurait été jugé sur la plainte d’un architecte byzantin auquel il aurait fait tranché la main pour n’avoir pas respecté ses directives à propos d’une construction. Le premier cadi (juge) d’Istanbul, Hızır Çelebi, aurait rendu la sentence de trancher la main du sultan. Impressionné par cette justice mettant en application la loi du talion, et sans doute très inquiet sur ses conséquences, le sage architecte aurait demandé que la peine soit commuée en dédommagement financier. Clémence approuvée par le juge et reconnaissance du sultan qui lui attribua une pension à vie.
Les lieux restaurés ont été aménagés en bibliothèque au rez-de-chaussée. A l’étage la salle d’audience accueille des conférences.





En chemin, nous croisons des ruelles, des fontaines, des habitations d’une autre époque évoquant un paisible village.




Mais à quelques mètres, la frénétique activité commerciale de la ville reprend ses droits, avec en son centre l’historique bâtisse construite par Mimar Sinan en 1583, qui était alors un hammam comme en témoignent encore ses coupoles ajourées et ses maigres vestiges de décors peints. C’est depuis sa restauration en 1962, un marché couvert (Mimar Sinan çarşısı).




Quelques pas de plus nous conduisent vers le balık pazarı, marché aux généreux étals de poissons, où l’on trouve aussi de curieuses spécialités comme le pain de maïs aux anchois.




Il est temps de faire une pause déjeuner et Kanaat lokantası, une alléchante cantine fondée en 1933 et toujours dirigée par la même famille, est justement à proximité. Que choisir? Laissons nous tenter par un beğendili kebab (sauté d'agneau sur un lit de purée d'aubergine) et un kaymaklı ayva tatlısı (dessert de coing cuit surmonté de crème). 






Sans vraiment respecter l’ordre chronologique de nos déambulations, les autres étapes de notre visite seront le sujet du prochain article, pour une autre facette d’Üsküdar.

Mais auparavant, écoutez la mélodie très populaire qui vient à l’esprit de tous les Stambouliotes dès que l’on évoque le quartier, composée on ne sait quand, on ne sait où, mais qui a fait le tour du monde depuis des décennies. Kâtibim ou Üsküdara gider iken ...




Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire