mardi 26 mai 2015

Les musées d’Amasya

Amasya a vu défiler de grandes civilisations de l'Orient. Elle en conserve de spectaculaires traces dans le paysage urbain et beaucoup d’autres dans ses musées.

Le musée archéologique dévoilera une succession ininterrompue d’occupations des lieux depuis le chalcolithique. Des fouilles de la ville et de sa province ont permis d’exhumer des vestiges datant de la période du bronze, de celles des Hittites, Phrygiens, Cimmériens et Scythes, Lydiens, Perses, Romains, Byzantins, Seldjoukides et Ottomans. Des éléments ethnographiques et de l'artisanat régional sont également exposés.






Certains vestiges sont particulièrement surprenants.
Une statuette hittite en bronze du dieu de l’orage, Teshup, a été découverte en 1962 dans un tumulus de Doğantepe. Elle est datée d’entre 1450 et 1200 avant JC. L’hypothèse d’une implantation tardive, d’une sorte de garnison arrière placée sous la protection du dieu et la plus éloignée possible de la menace des envahisseurs, a été avancée. Elle n’aura pas eu l’efficacité attendue malgré sa facture et ses dimensions supérieures à d’autres statuettes du dieu, et ne parviendra pas à empêcher l’effondrement de l’empire hittite. Elle aurait été démembrée par les Peuples de la mer.



Parmi les nombreux sceaux de diverses époques, la représentation agrandie de l'impression d'un sceau hittite:

    
Dans une des salles du musée, huit corps momifiés sont attribués aux Danichmendites (dynastie turque rivale des Seldjoukides) installés dans la région depuis le 11e siècle et devenus vassaux des Mongols de la dynastie Ilkhanide après l’invasion effectuée entre 1242 et 1258 par Houlagou (petit fils de Gengiz Khan).


Deux d’entre elles ont été retrouvées dans le türbe Cumudar (jouxtant la mosquée au minaret torsadé, juste derrière l’hôtel Taşhan).


Les six autres (un gouverneur de la ville, son épouse et ses quatre enfants) dans les sous-sols de la mosquée Fethiye (ancienne église byzantine du 7e siècle). Leur état plutôt délabré serait dû à une crue du fleuve en 1952 alors qu’elles étaient exposées dans la medrese du complexe de Beyazıd II.
Ce serait les seuls spécimens de momies musulmanes connus et auraient la particularité de ne pas avoir été éviscérées.
A l’extérieur du bâtiment abritant les collections depuis 1980, quelques autres vestiges d’époques diverses jonchent le jardin du mausolée (türbe) du dernier sultan seldjoukide Mesut II (mort en 1307).



Un autre musée situé dans la medrese du complexe de Beyazıd II complète le tour d’horizon des civilisations s’étant succédées à Amasya dans différents contextes géopolitiques.








     
Le panneau ci-dessus rappelle la publication, le 22 juin 1929, du manifeste d’Amasya (Amasya Genelgesi) écrit par Mustafa Kemal et signé par les principaux officiers supérieurs du pays. Il proclamait la nation en danger et annonçait la convocation d’un congrès à Sivas. Il fut diffusé dans toute l’Anatolie pour appeler à la lutte pour l’indépendance, s’opposant ouvertement au gouvernement du sultan.
Un musée est aussi intégralement consacré à cet événement historique.


Dans le complexe religieux du sultan Beyazıd II, se trouve aussi le musée de la maquette. Reproduction au 1/150 de la ville telle qu’elle se présentait vers 1914, avant le grand incendie. Simulations diurne et nocturne de l’activité urbaine.


Musée de la médecine et chirurgie de Şerefettin Sabuncuoğlu
Une construction datant de 1308, évoquant l’architecture des medrese seldjoukides mais édifiée après leur chute au début de la période Ilkhanide, fut destinée à accueillir un hôpital psychiatrique (Amasya Bimarhanesi). Un exemple antérieur se trouve à Divriği, un autre postérieur à Edirne dans le complexe de Beyazid II.




Pendant 5 siècles des patients furent soignés entre ces murs mais au 19e siècle la bâtisse servit à d’autres usages (la culture des vers à soie et entrepôts divers) avant d’être restaurée de 1992 à 1997 afin d’honorer la mémoire de Şerafettin Sabuncuoğlu (1386-1470). Ce personnage, contemporain de la naissance de l’empire ottoman, y a pratiqué la médecine et la chirurgie pendant 14 années et élaboré un ouvrage traduisant et adaptant les écrits médicaux d’Abu al-Qasim (père de la chirurgie moderne qui a vécu en Andalousie au 10e siècle), en y ajoutant de nombreuses miniatures illustrant ses méthodes.
Dans les salles sont exposés ses instruments. Divers mélanges médicamenteux, essentiellement à base de plantes, qu’il aurait expérimenté sont en vente.


Dans la cour intérieure, il est possible de faire une pause thé ou café, et de méditer si le cœur vous en dit une citation de Mevlana: 
Allez… maintenant pense que tu es de l’eau et sens toi comme l’eau… spécial comme l’eau, agréable comme l’eau, clair comme l’eau, bénéfique comme l’eau… Comme l’eau source de vie, souviens-toi que tu es intarissable comme l’eau…
Mais aussi comme l’eau sois capable d’être contenu dans un petit verre. Apprends à entrer dans les veines des hommes. Donne la vie… Sois indispensable!  



Le musée ethnographique Hazeranlar est situé dans une demeure typique de l’architecture ottomane du 19e siècle qui a été restaurée en 1979. Il présente la vie quotidienne de l’époque dans une disposition et des décors traditionnels, boiseries des plafonds, mobilier, tapis et kilims, ustensiles, vêtements etc…





Un Konak construit au tout début du 19e siècle dans le même style que les maisons de Safranbolu a été restauré en 2007 pour accueillir dans un décor luxueux les reproductions en cire des princes ottomans ayant été éduqués dans la ville. Au 1er niveau ceux qui ont gouverné la province d’Amasya sans accéder au sultanat, et au 2e niveau, ceux qui ont eu l’opportunité de devenir sultan.




Il est temps de partir déambuler dans les rues pour y reconnaître les vestiges de ce passé bien chargé en essayant de ne pas se perdre dans la chronologie... (A suivre...)


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