samedi 30 mai 2015

Amasya, rive droite

Si l’étroite rive gauche au pied du rocher Harşena fut choisie pour accueillir les constructions antiques c’était à l’évidence pour des raisons stratégiques de sécurité. Elle sut séduire aussi les princes ottomans pour les mêmes raisons sans doute mais ils ne dédaignèrent cependant pas la rive droite pour leurs projets d’envergure.
Ainsi l’imposant complexe religieux du Sultan Beyazıd II (fils de Mehmet le Conquérant) à proximité de la rive fut construit en 1485 sur l’ordre de son fils Ahmet, alors gouverneur de la province d’Amasya. L’édifice a été réalisé en blocs de marbre blanc taillés. 






La partie supérieure du portail est finement sculptée de stalactites et ses deux côtés sont encadrés de cylindres mobiles de porphyre vert… (comme d’autres portails de mosquées d’Istanbul…)


  
Dans le paisible jardin, deux platanes datant de la construction encadrent la fontaine d’ablution à la structure de bois et toit conique. 




L’imaret (soupe populaire) accueille aujourd’hui la maquette de la ville tandis que la medrese fait office de bibliothèque et musée des civilisations. 
Un peu plus haut, le marché couvert d’Amasya construit en 1483 a été plusieurs fois consolidé et remanié.




L’espace était déjà cependant bien occupé par des édifices de l’époque médiévale*, qui ne fut pourtant pas une période des plus tranquilles.
La ville moderne qui s’est développée sur la rive droite a conservé, malgré tout, quelques exemples d’architecture seldjoukide, certes modestes comparés à ceux de Konya, leur capitale.
La mosquée au minaret torsadé, située juste derrière le caravansérail Taşhan, a été construite vers 1240 ainsi que le türbe au toit caractéristique qui recelait des momies actuellement transférées au musée archéologique. Le minaret d’origine, en bois, a été remplacé par un minaret en pierre aux larges cannelures en torsades après l’incendie de 1602.


  
L’ensemble mosquée, Gök medrese et türbe de Seyfeddin Torumtay, gouverneur du sultan Gıyaseddin Keyhüsrev III, fut construit entre 1266 et 1276.


Sur la partie haute de la medrese en forme de tambour octogonal surmonté d’un toit pyramidal subsistent quelques décors de briques vernissées.



Les murs épais du türbe portent encore quelques frises sculptées de palmettes et décors rumi caractéristiques.



Le complexe est plutôt délabré et l’intérieur de la mosquée aurait bien besoin d’une restauration…


Patrimoine privé sans doute, les descendants Torumtay n’ont certainement pas les moyens de l’entreprendre et les subventions se font attendre. Dommage. Le contraste est d’autant plus saisissant que la ville a fait l’objet d’ambitieuses revalorisations de son patrimoine et que beaucoup d’autres édifices religieux et constructions civiles en ont bénéficié, dont l’hôpital psychiatrique déjà cité.


Autre curiosité, les vestiges d’un canal romain creusé dans la roche à la fin du 1er siècle av. JC (situé à la sortie de la ville, parallèle à la route en direction d’Ankara) ont pris des allures de parc d’attraction, avec musée dédié aux amoureux.



Les croyances populaires relient depuis longtemps la légendaire histoire d’amour de Ferhat et Şirin à cette construction et à l’histoire d’Amasya.   
C’est une adaptation locale d’une des épopées de la Perse antique consignée par Firdoussi (940-1020) dans le Livre des rois (Shâh Nâmeh) et reprise dans des écrits du poète persan Nizami (1141 – 1209), « Khosrow et Chirine » qui conte la vie et les amours du roi sassanide Khosrow II et de la princesse chrétienne Chirine, et « Leïla et Madjnoun » inspiré d'une vieille légende qui remonterait aux Perses achéménides (du 6e au 4e siècle av. JC) narrant l'histoire d'une passion amoureuse mutuelle au dénouement tragique.
Voici en résumé la version d’Amasya :
Un certain Ferhat, artiste peintre et la princesse Şirin tombèrent amoureux. On demanda à Ferhat l’insurmontable tâche de creuser seul un canal conduisant l’eau de la montagne vers la ville avant de lui accorder la main de la belle. Les années passant et voyant qu’il arrivait à relever le défi, les intrigants lui firent annoncer par sa nourrice la fausse nouvelle de la mort de la princesse Şirin. De douleur Ferhat lança son outil en l’air pour qu’il retombe sur sa tête et le tue. Apprenant la mort de Ferhat, Şirin se jeta du haut des rochers.
Sur leur tombe, un rosier rouge et un rosier blanc fleurissent, sans pouvoir se rejoindre, séparés par les épines du Paliurus spina-christi…


Cette légende est aussi le sujet d’une pièce de théâtre de Nazim Hikmet (1902-1963) « Ferhad et Şirin » (1955)
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*Pour rappel : 1e période des beylicats turcs Danichmendides (1071-1178), puis domination de la région d’Amasya par le sultanat seldjoukide de Roum (1170-1307).
2e période des beylicats turcs Eretnides (1328-1381) après le déclin du sultanat de Roum provoqué par l’invasion mongole au milieu du 13e siècle plaçant une grande partie de l’Anatolie sous la tutelle des Ilkhanides.
En 1392, l’Ottoman Beyazit 1er conquiert Amasya. Son fils Mehmet 1er résiste à la deuxième vague mongole de Tamerlan et conserve la ville dans l’empire.


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