mercredi 30 mars 2011

Souvenirs de Harran

Harran est à 45 km au sud d’Urfa et tout près de la frontière syrienne. Aujourd’hui un hameau à la porte du désert, les vestiges archéologiques attestent d’une occupation des lieux depuis au moins 5000 ans et d’un passé prospère. Au croisement des routes caravanières, il fut un important centre commercial de Mésopotamie.
Les ruines de la ville antique se trouvent à l'intérieur de l'enceinte mais ne sont pas toutes identifiables.
La citadelle médiévale et les tours, dont les vestiges sont encore visibles, furent probablement construites durant la période préislamique à l’emplacement de constructions antérieures.



Des textes gravés sur des tablettes évoquent un temple de Sin, dieu-lune des civilisations mésopotamiennes, localisé à Harran. Le culte reposait sur des observations astrologiques et des croyances qui ne s’éteignirent que vers le 2e siècle après JC… ou bien plus tard encore.

La Grande Mosquée, dont il ne subsiste que le minaret carré de 33 m de haut et quelques ruines, fut construite au 8e et agrandie au 12e siècle. Des éléments de décoration de styles omeyyade et seldjoukide sont reconnaissables.


Les objets provenant des fouilles exécutées à Harran sont exposés au Musée d'Urfa.

Un projet de restauration de la citadelle de Harran et de ses murailles, a été inclus dans le programme d’investissement du ministère de la Culture de 2011. Une sage initiative car en 2002 la visite était périlleuse et doit l’être encore.

La ville est surtout connue pour ses maisons de pisé à la toiture conique qui font penser à des ruches. Construites vers le début du 19e siècle, elles sont aujourd’hui préservées mais rarement habitées.



Pour visiter ce site, laissons nous guider par le dieu lunaire, Sin, qui fut considéré par les premières civilisations comme le maitre de la sagesse puisque son visage changeant rythmait dans le ciel la mesure du temps et qu’il renaissait cycliquement, vainqueur de sa disparition momentanée. Son pouvoir de contrôler la durée de gestation et les naissances, faisait aussi de lui le dieu de la fertilité. (Notes et photos d'un voyage en mai 2002.)


samedi 26 mars 2011

Fausse bonne nouvelle

Apparemment l’accès aux blogs "blogspot" n’est toujours pas débloqué en Turquie. Quelques lecteurs me l’ont signalé. Ils voient toujours : « Bu siteye erisim mahkeme karariyla engellenmistir » (ce site n’est pas accessible par décision du tribunal). Pour combien de temps encore ?

Ce qui est incompréhensible c’est que d'Istanbul, depuis mardi, je vois les pages de "Entre deux rives" normalement et je peux publier des messages… Visibles seulement ailleurs qu'en Turquie? Consultables que par certaines connexions?
Quelqu’un aurait-il l’explication de ce mystère internet ?

mercredi 23 mars 2011

L’interdiction d’accès à blogger est levée

Après plus de 3 semaines d’interdiction d’accès à blogger (blogspot), la décision de censure, révisée il y a quelques jours, semble être effective depuis hier après midi.

Un épisode très regrettable qui s’est terminé par la fermeture des 5 adresses de blogs litigieux… On aurait peut être pu commencer par ça sans pénaliser tous les autres…

Mais il est bien désagréable de se sentir à la merci des exigences d’une société X ou Y qui peut obtenir la fermeture complète d’une plateforme. A qui le tour demain ? Espérons qu'à l'avenir les sentences seront plus nuancées.

mardi 22 mars 2011

Touche pas à mon blog - Bloguma dokunma


Combien de jours encore la liberté de bloguer sera-t-elle entravée?

Pourquoi doit-on voir des milliers de blogs marqués d’un infamant « Bu siteye erisim mahkeme karariyla engellenmistir. »

Nous devons cette censure injuste à Digitürk, télévision par satellite qui a porté plainte auprès d’un tribunal de province contre la diffusion piratée de… matchs de foot !

La décision du tribunal de censurer toute la plateforme blogspot est pour le moins surprenante !

600 000 blogueurs doivent se plier à une décision de justice pour un délit qu’ils n’ont pas commis. Car la plainte ne concerne évidemment que quelques blogs.

Curieuse justice qui condamne au prix fort et coupe le bras pour une égratignure au doigt… Mais dans cette affaire son zèle a le mérite de nous inciter à la réflexion sur la fragilité de la liberté d’expression jamais acquise définitivement ici et ailleurs.

Pour plus d'information lire ici :
http://yollar.blog.lemonde.fr/2011/03/03/censure-internet-600-000-blogueurs-interdits-de-blogger-en-turquie/
ici : http://www.ya-graphic.com/2011/03/blogger-interdit-en-turquie/ 
ou ici : http://lebloggers.blogspot.com/2011/03/turquie-blogger-bloque.html

dimanche 13 mars 2011

Un dimanche à Paris

Il était temps de combler une lacune… Plus habituée des balades au Parc Floral, j’ai mis le pied pour la première fois au parc Montsouris, espace vert du sud parisien qui complète ceux du nord (parc des Buttes-Chaumont), de l’ouest (bois de Boulogne) et de l’est (bois de Vincennes).

Dans quelques semaines il sera sans doute plus coloré mais le printemps s’annonce déjà !









Tandis qu’ailleurs s’enchaînent catastrophes naturelle et humanitaire au Japon, soulèvements populaires et leurs cortèges de répressions de l’autre côté de la méditerranée, l’abondance d’information côtoie l’opacité et nous laisse sidérés et impuissants face aux événements.


jeudi 10 mars 2011

Mardin

Puisque je n’ai pas pu suivre « 10 Kadın Sanatçı İnisyatifi » pour leur exposition à Mardin, j’y suis par la pensée en partageant ces quelques photos prises en 2002 lors d’un voyage qui a fortement impressionné ses participants et dont Mardin était l’une des perles.
A une trentaine de kilomètre de la frontière syrienne, la ville s’accroche au flanc d’un piton rocheux et domine le plateau mésopotamien. Les bâtisses ocre rose et les dômes de pierre caractéristiques constituent la parure de charme de cette cité inondée de soleil.


Les vestiges des diverses origines ethniques et confessions religieuses sont visibles partout dans ce musée à ciel ouvert. Clochers et minarets se fondent dans le paysage qui a vu défiler les Romains, les Byzantins, les Perses, les Abbassides, les Hamdanides, les Seldjoukides...
C'est sous la dynastie turkmène des Artukides (1108 à 1408) que la grande mosquée (Ulu Camii) et la medrese (Zinciriye - Sultan Isa- Medresesi - 1385) au pied de la citadelle furent construites. Du toit en terrasse de cette dernière, le panorama est fabuleux.


Une autre medrese (Kasımiye Medresesi) datant de 1469 est remarquable par son portail monumental et ses bâtiments sur deux étages organisés autour d'une cour intérieure agrémentée d'un bassin.





Les bâtiments de l'ancien patriarcat syriaque catholique datant de 1895 abritent aujourd'hui le musée de la ville tandis que les bureaux de la poste sont hébergés dans un ancien caravansérail du 17e siècle décoré d’une dentelle de pierre.

Musée de Mardin

La poste de Mardin


Les clochers des églises syriaques, chaldéennes ou arméniennes percent aussi le ciel de Mardin. La plus ancienne, l'église des Quarante-Martyrs, (Süryani Kadım Kırklar Kilisesi) date de 569.


Le monastère syriaque Mor Hananyo (Deyrulzafaran) a été construit vers 500 après JC. Il est situé à quelques kilomètres de Mardin. On dit qu’un temple dédié au culte du soleil, utilisé ensuite comme citadelle par les Romains existait à cet emplacement.



Les syriaques appartiennent à une communauté chrétienne orthodoxe d’origines assyriennes et araméennes, regroupée autour de leur église. Les cérémonies religieuses sont en langue syriaque proche de l’araméen.


Dans la rue principale, on peut admirer une superbe demeure dont les arcades s'ouvrent sur une cour intérieure. (Şahkulubey Konaği).


Une autre, la maison Erdoba, a été restaurée et transformée en hôtel luxueux.


Les monuments architecturaux reflètent bien l’enchevêtrement des cultures et des peuples qui se sont succédé ou ont cohabité en ces lieux, Syriaques, Juifs, Arabes, Kurdes, Arméniens et Turkmènes. Ils racontent une histoire millénaire de tolérance qu’on aurait souhaitée sans faille, et on y parle encore aujourd’hui plusieurs langues, même si les minorités se sont raréfiées.
L’artisanat a parait-il refleuri depuis quelques années avec le développement d’un tourisme encore timide. Mais les ruelles résonnaient déjà depuis longtemps du travail des chaudronniers et dans les échoppes, plateaux et récipients de cuivre attiraient le regard tout comme les bijoux et parures en argent finement ciselés ainsi que les peintures sous verre représentant, entre autre, la légendaire Şahmeran.
Nous avions visité les locaux du « ÇATOM » (Çok Amaçlı Toplum Merkezleri) qui hébergeaient un projet d’éducation et de développement économique des femmes, intégré au plus vaste projet « GAP ». Leurs travaux, résultats d’un savoir millénaire y étaient exposés et vendus pour autofinancer le projet.

mercredi 2 mars 2011

Légende de Şahmeran

En Anatolie, l’art populaire est venu relayer la transmission orale des contes. La représentation graphique de Şahmeran* est bien présente dans de nombreuses régions du centre, du sud-est et est anatolien… de Van jusqu'à Konya en passant par Mardin et Adana…

Au musée de Mardin ou dans les vitrines des magasins de la vieille ville, on peut voir des peintures sous verre à son effigie, bien reconnaissable. Hasan Usta, un chaudronnier de la localité, y est devenu très célèbre en gravant son image sur des plateaux de cuivre.

Les « Şahmeran » exécutées par les artistes du mouvement : “10 Kadın Sanatçı İnisiyatifi” vont bientôt retrouver leurs compagnes dans l’une des nombreuses villes où la légende s’est enracinée.

Şahmeran est une créature mythique anthropomorphe avec une tête de femme surmontée de deux cornes, sur un corps de reptile dont l’extrémité est une tête de serpent couronnée. Elle se déplace sur six paires de pieds terminés eux aussi par des têtes de serpents.
 Crédit photo: "10 Kadın Sanatçi İnisyatifi"
de gauche à droite et de haut en bas:
Feyza Oyat, Siren Üstündağ,

Müjgan Atukalp, Pınar Yazkaç, Birsen Apça,
Dilek Kaur, Rümeysa Kanat (artiste de Mardin), Seher Özinan


Voici une version qui reprend les détails les plus récurrents... traduction croisée de plusieurs récits qui se transmettent depuis des siècles…

Il y a bien longtemps vivait dans une grotte, parmi une multitude de serpents une créature extraordinaire qui connaissait tous les secrets de la terre. Son savoir n’avait pas de limite. Ni le langage des animaux, ni l’histoire de chaque pierre ne lui étaient inconnus. Elle se méfiait par-dessus tout des humains qui lui paraissaient porteur du plus grave des défauts. Ils étaient envieux, avides de connaissance à n’importe quel prix, pour dominer et mieux contraindre les autres à leur puissance. Leur perfidie aux mille visages la terrorisait et pour cette raison elle se cachait.

Le savoir de Şahmeran était sa force mais elle ne voulait faire peur à personne, ni imposer une quelconque soumission. Les serpents la vénéraient pour sa sagesse et sa beauté. Elle leur avait promis de ne jamais faire confiance aux humains.

Mi-serpent, mais mi-femme aussi, elle aurait cependant bien voulu échanger des sentiments humains avec des créatures humaines et quand un jour un jeune homme nommé Cansab* tomba dans la profonde caverne, elle déploya des trésors d’hospitalité pour qu’il ne la craigne pas, lui offrit des nourritures merveilleuses et lui raconta des histoires extraordinaires pendant des années, si bien qu’un grand amour les unissait… Jusqu’au jour où l’ennui fit dépérir Cansab qui l’implora de lui rendre sa liberté et lui promit de ne jamais révéler le secret de la grotte où elle se cachait.

Şahmeran savait qu’il ne pourrait tenir son serment mais l’aida à retrouver la surface de la terre. Il partit loin de son village pour ne pas devoir répondre aux questions de ceux qui le connaissaient. Il garda le silence sur ce qui lui était arrivé.

Mais un jour, le roi de ce pays tomba gravement malade et ses serviteurs furent chargés de trouver Şahmeran qui seule avait le pouvoir de le guérir. Ils cherchèrent en vain jusqu’au moment où un grand personnage du royaume eut l’idée de faire venir tous les hommes au hammam afin de découvrir qui portait des écailles sur le corps trahissant une rencontre avec Şahmeran.


Cansab découvert et torturé pendant de longues semaines finit, presque mort, par avouer le secret de la grotte.
Şahmeran fut rapidement retrouvée, coupée en deux morceaux et mise à cuire dans deux chaudrons pour en faire boire le bouillon au roi.

Mais auparavant, en regardant Cansab, elle délivra son dernier secret :
« La faiblesse mérite la mort. J’ai trahi les serpents en te laissant partir et tu m’as trahi à ton tour. Le bouillon de ma tête est un poison. Celui de ma queue est un remède. Si tu cherches une punition bois le poison ! »

Le bouillon de la queue de Şahmeran fut bien vite mis dans une coupe pour faire boire au roi la potion qui devait le guérir, pendant que Cansab, souhaitant mourir pour oublier sa honte, avalait le bouillon de la tête.
Mais à la surprise de tous, le roi se tordit de douleur et s’écroula mort, alors que Cansab reprenait ses esprits et voyait ses blessures se refermer miraculeusement. Il s’éloigna, emportant avec lui le savoir illimité de Şahmeran, et on ne le revit jamais plus.
 
Depuis ce temps Şahmeran est un symbole de sagesse, de fécondité, et d’abondance. Des croyances venues d’un autre âge lui accordent des pouvoirs de guérison et de protection contre le mauvais œil.

Variantes des noms: *Şahmeran, Şahmaran, Shahmeran, *Cansab, Camsap, Tahmasp